Pays du Nord n°28 Mars-Avril 1999

l'arche de François

TEXTE : GEORGES CARLIER / PHOTOS : SAMUEL DHOTE ET GEORGES CARLIER

sculpture bois

François Dufour, sculpteur en Avesnois, est allé chercher dans la bocage et les cours de ferme les modèles de son truculent bestiaire : vache, cochon, chien et volaille, dont les expressions rigolardes, goguenardes ou ombrageuses sont empruntées bien évidemment au monde des humains. Pour échapper au déluge de la morosité, embarquez-
vous dans l'arche de François !

« Ménagère au balai
et à la dent d'or »

L'EXPRESSION du chat « maraudeur » est impayable de vérité... Elle représente toute la ruse goguenarde d'un filou de grande classe sur une trogne où les yeux font ressortir une vie intense... Il y en a une bonne soixantaine, de ces animaux sortis d'une basse-cour, des champs ou des rues de Neuville-en-Avesnois, un petit village de 200 habitants où sévit le sculpteur François Dufour. Caché au fond de son atelier, celui-ci « sort » du four un chiot ébahi et tout cuit.

Cette céramique aux allures pataudes ira rejoindre l'arche en folie de l'artiste. Le goût de la sculpture, François dit l'avoir reçu tout petit, avec son premier biberon.

Quelques années plus tard, ses frères, menuisier et tapissier, prirent le relais, lui donnant la possibilité de sculpter auprès d'eux. La vocation était là, elle l'attendait, et il fila très vite aux beaux-arts de Cambrai et Valenciennes apprendre la suite... « Après, dit-il, je ne suis plus sorti du conservatoire de...Neuville-en-Avesnois, mon atelier. »

Drôles de paroissiens

Taillant le frêne et l'orme, François devait créer au fil du temps tout un petit monde truculent et rabelaisien, mettant en scène « une procession » d'une douzaine de paroissiens, « des joueurs de boule », « le lecteur de la Voix du Nord », « des commères » et bien

d'autres... Des copies sans concession de nos travers d'hommes et de femmes, mis en forme dans un travail difficilement classable, mais si riche de justesse et d'humour! « C'est plus fort que moi : un visage, une expression, une grimace... je les ressors en atelier et les

« Valenciennois d'origine italienne extorquant sur le coup de midi un seau de mortier frais sur le chantier de la fontaine afin de réparer son trottoir de la rue Delsaut. »

sculpture en bois

concrétise en bois ou en céramique. »

Le bois d'orme venant à manquer pour cause de graphiose - une maladie redoutable qui décime ces arbres -, François s'est tourné tout naturellement vers la terre. Malaxée, triturée, modelée et sculptée, elle devient ânes, oies, poules, renards, chiens, cochons, chien-loups et autres chats futées ou vaches rigolotes, à la légende percutante - « ne pouvant être comparés à l'homme pour cause de non-sadisme ».Bref, tout un petit peuple à l'image de notre société. Vision provocatrice ? « Peut-être, répond-il, mais étayée d'un réalisme pur par sa vérité et sa tonicité. Je me sens des affinités avec Jérôme Bosch et quelques autres qui ont su si bien peindre la vaste comédie qu'est la vis. »

Les légendes du bestiaire

terre cuite

« Il me faut bien trois semaines à un mois, avoue l'artiste, pour créer une sculpture. Ensuite, le coloriage
aux émaux demande une cuisson
entre 900 °C et 1200 °C. »

François Dufour a obtenu le
Grand Prix régional des
métiers d'art en 1990.

« Gallinacé porte-plume
pour écrivain
gastronome. »

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